« Opprimés » en « Nés-primés » : K-Dilak, le spécialiste des paroles réinventées… à son insu

Une vidéo devenue virale ce week-end montre le chanteur haïtien K-Dilak reprenant « Tchimbe Rèd Pa Moli », le chef-d’œuvre du roi du reggae martiniquais SAËL. Mais au lieu de chanter « opprimés », comme dans la version originale, l’artiste a lâché un très audacieux « Nés-primés ». Un lapsus ? Un freestyle ? Ou juste une mauvaise écoute ? Édito de Dieudonné ST CYR, rédacteur en chef de StarUne Magazine.

Voici donc les « Nés-primés » dont K-Dilak a parlé… sans jamais que SAËL ne les évoque. On aurait pu croire à un message caché, à une dénonciation subtile, à une interprétation profonde. Mais non. C’est tout simplement ce qui arrive quand on reprend un classique sans l’avoir compris sérieusement.

SAËL, maître des mots, monument du reggae créole, chantait la douleur des « opprimés ». Et K-Dilak, lui… a entendu autre chose. Très autre chose. « Nés-primés ». Un voyage linguistique sans retour.

K-Dilak, maître involontaire des paroles revisitées

Il faut reconnaître à K-Dilak un talent unique : celui de transformer un hymne aux opprimés en slogan pour… les privilégiés qui ont tout sans rien fournir. Personne n’attendait ça.
Pas même lui.

« Nés-primés », franchement, il fallait oser. Et surtout, il fallait ne pas écouter la chanson. Pas une fois. Pas deux fois. Pas même trente secondes attentivement. C’est presque une performance artistique en soi. On devrait peut-être lui décerner un prix : Best Lyrics 2025.

« Nés-primés », c’est le genre de mot qui donne envie d’appeler l’Académie française juste pour voir leur réaction. Et pourtant, ce n’est pas un concept, c’est une erreur. Et l’erreur est tellement parfaite qu’elle en devient poétique. Poétique malgré lui.

SAËL, lui, doit bouger dans sa chaise en Martinique

On imagine très bien SAËL, quelque part en Martinique, tranquille, café à la main, entendant cette reprise : d’abord il sourit, puis il fronce les sourcils, puis il se demande :
« Mè, ki zòt ki pé oze fè sa ? »

Parce que reprendre une chanson sans comprendre son message, c’est déjà gênant. Mais en changer totalement le sens… involontairement… là, on atteint un niveau d’art supérieur.

Lapsus révélateur ou négligence musicale ?

Le message d’origine parle de résistance, de souffrance, de dignité, de lutte. Un chant pour les « opprimés ». Et voilà que K-Dilak, lui, fait entrer dans l’histoire une nouvelle catégorie : les « Nés-primés », une espèce rare, faite de trophées humains, de diplômes vivants, de gens qui ont toujours gagné sans rien faire.

Ironiquement, le mot décrit mieux certains artistes trop pressés que les vrais opprimés dont parlait SAËL. C’est presque comique. C’est surtout révélateur.

Le problème n’est pas le mot. Ce n’est pas la voix. Ce n’est pas la scène. Ce n’est même pas le public. Le problème, c’est l’écoute. Ou plutôt, l’absence d’écoute.

Et il faut le dire sans trembler : reprendre « Tchimbe Rèd Pa Moli » sans en saisir le texte, c’est comme repeindre le « Vèvè Legba » sur le maillot de l’équipe nationale haïtienne de football au spray paint : très brillant, mais pas très visible, sauf pour les chrétiens.

Avant de chanter, il faut comprendre

La prochaine fois que K-Dilak voudra rendre hommage à un monument du reggae caribéen, un petit conseil simple, efficace, gratuit : écouter d’abord, chanter après. Parce que confondre « opprimés » et « Nés-primés », c’est peut-être drôle… mais c’est surtout la preuve qu’il n’a pas compris la profondeur de SAËL, ni le poids de sa chanson.

Et comme disait un vieux sage : « Quand on ne comprend pas un texte, on ferme le micro et on ouvre les oreilles. »

Dieudonné ST CYR
Rédacteur en chef de StarUne Magazine

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