À 72 ans, Jean-Bertrand Aristide reste une figure indélébile de l’histoire haïtienne. Prêtre des pauvres devenu président des opprimés, il a fait trembler les puissants, dérangé l’ordre établi et porté la voix des sans-voix. Ce 15 juillet 2025, l’heure est au souvenir… Retour sur le parcours singulier d’un homme qui a défié la peur, les balles et les puissants.
Il est né dans l’ombre et le sang. Port-Salut, 15 juillet 1953. Un nourrisson perd son père, lynché pour sorcellerie. Ce n’est pas un conte, c’est l’entrée brutale d’Aristide dans un monde rongé par la peur, l’ignorance et la violence. Il n’avait encore prononcé aucun mot, et la violence, déjà, venait frapper à sa porte.
Les prêtres l’ont sauvé. Il a choisi le peuple
À l’âge de 6 ans, Jean-Bertrand est pris en charge par les prêtres catholiques. Il apprend à prier, penser, parler. Israël, Canada, République dominicaine… Il sera formé en théologie, en psychologie, mais aussi en langues étrangères. Français, espagnol, anglais, latin, hébreu, mais surtout créole : sa langue d’arme et de flamme.

À Saint-Jean Bosco, ses sermons réveillent les consciences. Il prêche dans les bidonvilles d’Haïti. Il parle de justice, de dignité… Ses homélies, enflammées et prononcées en créole, langue des opprimés, dénoncent l’injustice et appellent les masses à se lever contre la dictature des Duvalier. En 1988, son ordre religieux le rejette, l’armée le vise, les riches le craignent. Mais les pauvres l’écoutent. Et l’aiment.
Le feu entre dans la maison de Dieu. Septembre 1988. Des hommes armés envahissent l’église pendant la messe. Douze cadavres de fidèles. Aristide échappe à la mort. Pour la troisième fois. Mais il n’a plus le choix : son destin est scellé, il doit affronter le pouvoir.

Il descend de la chaire pour monter à la tribune
En 1990, malgré les menaces, il se lance en politique. Contre toute attente, il remporte les premières élections libres du pays. Et le peuple le choisit. Massivement. Jean-Bertrand Aristide devient le premier président démocratiquement élu d’Haïti. Une première victoire. Éphémère.
Le rêve étouffé par les bottes. Huit mois plus tard, l’armée frappe. Coup d’État. Exil. Répression. L’armée écrase ses partisans dans le sang. Pourtant, son aura continue de hanter les élites.

Il revient. Puis il chute. Encore
En 1994, les États-Unis de Bill Clinton déploient 20 000 soldats pour le rétablir. Il revient, mais sous conditions : il devra quitter le pouvoir dès 1995. Une démocratie naissante sous surveillance étrangère.
Aristide devient un symbole vivant. Réélu en 2001. Chassé en 2004. Détesté par certains, vénéré par d’autres. Pour beaucoup, il reste le seul à avoir incarné un vrai lien entre État et peuple. Son nom déclenche encore la passion, la peur ou la nostalgie.

Aujourd’hui, il vit dans le silence. Mais son ombre plane. À 72 ans, Jean-Bertrand Aristide reste une énigme. Discret, mais présent. Absent, mais influent. En bien ou en mal, nul ne peut effacer son empreinte. Il est la preuve que, parfois, la foi devient politique, et que la politique peut devenir révolution.
StarUne Magazine souhaite un bon anniversaire à l’ancien président Jean-Bertrand Aristide.
