Sextape : réflexion sur la sexualité et la moralité numérique

La diffusion récente sur les réseaux sociaux d’une vidéo intime d’une jeune haïtienne soulève des questions sur les tensions entre normes sociales, religieuses et comportements numériques. Lionel Édouard, journaliste et avocat, analyse comment naviguer dans ces défis tout en respectant les libertés individuelles et les valeurs communes.

Nous publions in extenso cet article.

J’ai pu voir ce matin un déferlement, que je qualifierais de malsain, contre une demoiselle qui fait l’amour (je vous laisse le choix du meilleur vocabulaire pour vous exprimer) devant sa caméra avec une ou des personnes de son choix.

« TT et les autres « likemen » sont déchaînés et font feu de tout bois pour tenter de vendre et de moraliser la sexualité de la jeune fille en s’appuyant sur son appartenance, entre guillemets, religieuse.

Tout d’abord, il faut préciser que le sexe n’a rien de pudique dans sa pratique et dans sa construction dans la mémoire collective, c’est pourquoi depuis le début des sociétés, il a été caché, même dans l’Éden (Clin d’œil aux chrétiens), les évolutionnistes diront le contraire, très certainement… Cependant, pourquoi un tel acharnement? Voici quelques éléments de réponse. Il faut croire qu’à travers cette jeune fille, c’est l’église qui est dans le viseur des détracteurs. Pour certains, ils veulent montrer que la demoiselle a violé les principes « sacrés » de l’église ; pour les autres, ils veulent dénoncer l’hypocrisie de l’église dont les membres prêchent un message et font le contraire.

Mon point de vue : la sexualité, tout d’abord, n’a rien de honteux, il n’existe aucune morale qui peut légitimement réguler la sexualité… elle a sa morale propre et dépend des partenaires. Ceux qui savent lire connaissent l’utilisation qui a été faite de la sexualité dans les sphères de pouvoir politique et économique, pourtant on en parle peu. Les fervents chrétiens connaissent les scandales sexuels qui ont entaché le mythe fondateur de leur religion en particulier, je ne parle même pas de Salomon et de David.

En effet, avec la vision inquisitrice de l’église sur ces pratiques dans ce qu’elle appelle le monde, comme pour signifier son évolution dans un monde à part, on serait tenté d’amplifier tout scandale qui implique l’église, justement pour montrer qu’elle n’est pas plus sainte que ceux qu’elle accuse régulièrement.

Toutefois, pourquoi ce déferlement? Il va sans dire que nous évoluons dans une société de « zen » amplifiée par l’anarchie des réseaux sociaux, et dans un monde où l’on n’accepte pas que les actes sexuels des humains soient exposés. D’ailleurs, à travers le temps, on a érigé des espaces pour ces jouissances qui doivent rester privées entre les acteurs.

Mais depuis les années 50 et le mouvement de mai 68 en France et aux États-Unis avec les « hippies », il y a une démocratisation de la sexualité qui favorise, dans une logique libertaire, une surexposition de la sexualité de tout type confondu… on aurait pu remonter à d’autres dates marquantes.

Il faut comprendre qu’en dépit de sa morale propre, l’église n’échappe pas à cet état de fait et que certains de ses membres, bien que « pudiques », peuvent se laisser aller ou être entraînés parfois et exposer leurs actes, notamment dans un contexte où, avec l’explosion des nouvelles technologies et la création d’un monde parallèle fait de virtualité, le désir de paraître et de s’exposer pour être à la mode et intégrer des groupes afin de prouver que l’on existe devient quasiment un besoin vital, pour ne pas dire existentiel.

Avec la démolition des repères sociaux par les générations d’avant, qui n’ont pas été moins exhibitionnistes – sauf qu’elles ne disposaient pas de certaines libertés trouvées avec les nouvelles technologies – les générations futures embrassent ces éléments de modernité sans vraiment trouver des limites ou savoir en construire, nous sommes tous dans la virtualité.

« Tout acte de l’homme est avant tout de sa responsabilité ». C’est un axiome quasiment indépassable. Cependant, l’homme est construit dans le milieu avec les valeurs du milieu. Aujourd’hui, malgré un certain conservatisme dans notre société en raison de nos réflexes magique-religieux, il faut comprendre que nos jeunes sont construits suivant des repères qui échappent à la réalité de notre milieu… ces repères ont été construits dans un ailleurs qui rompt avec ce que nous voulions jadis conserver dans notre société comme valeurs.

Si nous devions tirer une leçon de cette pseudo-affaire, qui est un « zen » de plus dans un monde de plus en plus virtualisé et exhibitionniste, c’est de peser nos actes en fonction de ce que nous voulons véhiculer comme valeurs.

C’est de se responsabiliser et de savoir si l’on se construit comme modèle et, en fonction de ce que nous choisissons comme orientation, il y a des interdits que nous ne devrions pas franchir.

C’est de savoir que nous, en tant que critiques et vendeurs de « like » sur internet, nous ne sommes pas mieux que celui qui exhibe ses ébats, vu que nous sommes tous dans le malsain en voulant vendre aux autres ce que nous répudions publiquement.

C’est de savoir que nos jeunes sont en train d’être construits par des inconnus que nous ne rencontrerons jamais et qui ont des valeurs et des vices différents des nôtres.

C’est de comprendre également que nous avons des responsabilités même envers ceux qui commettent des actes que nous désapprouvons.

C’est de savoir qu’il y a des discours qui sont aujourd’hui dépassés et que l’Église (ou les religions) en tant qu’acteur social doit également s’adapter aux nouvelles réalités pour mieux encadrer ses membres.

C’est de savoir que l’État ne peut plus être spectateur de la dynamique sociale, mais un acteur qui contribue à sa construction pour l’orienter.

C’est de savoir que les élites sont investies de la mission de construction et d’orientation de la société à travers la construction d’un projet national qui permet de dessiner l’avenir en fonction de ce que nous, en tant que peuple, déterminons comme grille de valeurs.

Enfin, ce que nous devons retenir, c’est de cesser de matraquer les autres pour ce qui serait à peu près normal dans un monde sans repères…

Par : Lionel Édouard, journaliste et avocat

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